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Ambrose Akinmusire
USA

Nouvel album "Origami Harvest", fusion de musique classique contemporaine, rythmes de hip-hop déstructurés, éclats de jazz, et échos de funk, de spoken work et de soul, concert festival Sons d'Hiver 1er février...
Biographie
Le quatriĂšme album studio du trompettiste et compositeur Ambrose Akinmusire trouve son origine dans une sorte de dĂ©fi. Ce sont les programmateurs Judd Greenstein de l’Ecstatic Music Festival de Manhattan et Kate Nordstrum des Liquid Music Series de St. Paul qui lui en ont en effet passĂ© commande — Greenstein lui posant ouvertement la question : “Quel est le projet le plus fou que vous ayez en tĂȘte ?” Prenant les mot “dĂ©fi” et “fou” Ă  la lettre, Ă  la maniĂšre de mots d’ordre, la rĂ©ponse d’Akinmusire ne s’est pas faite attendre : “J’avais envie d’élaborer un projet autour de la notion d’extrĂȘmes et de rĂ©unir dans un mĂȘme espace des choses apparemment opposĂ©es.” Le rĂ©sultat est ce nouvel album, Origami Harvest, une Ɠuvre Ă©tonnamment fluide bien que fondĂ©e sur l‘idĂ©e mĂȘme de contrastes, qui —avec l’aide des New Yorkais du Quatuor Mivos et du rappeur arty Kool A.D.—fait s’entrechoquer de dĂ©lirantes sĂ©quences de musique classique contemporaine avec des rythmes de hip-hop dĂ©structurĂ©s, des Ă©clats de jazz, et des Ă©chos de funk, de spoken work et de soul.
Que l’esprit de cet album fraye dans ces zones est tout sauf un hasard. Ces compositions sont des rĂ©ponses directes aux fractures actuelles de la sociĂ©tĂ© contemporaine, Ă  la façon dont les politiques nous prennent en otage sur le plan Ă©motionnel et Ă  la liste sans cesse croissante des Noirs assassinĂ©s par le racisme structurel. Comme Ă  chaque fois chez ce natif d’Oakland — on se souvient de son dernier disque en date, l’inattendu double album A Rift in Decorum: Live at the Village Vanguard paru en 2017 — la musique ici est d’une beautĂ© exquise et d’ une grande ambition artistique, chaque plage dĂ©veloppant un univers particulier Ă  travers un grand nombre d’humeurs et de modes diffĂ©rents. MĂȘme le titre de l’album est chargĂ© de sens : “Origami”, comme l’explique Akinmusire, “se rĂ©fĂšre aux diffĂ©rentes façons dont les Noirs, et plus spĂ©cialement les hommes, doivent s’adapter, se “plier”, pour faire face Ă  l’échec ou pour se fondre dans un moule. Et puis j’ai eu un enfant pendant que j’écrivais cette musique et j‘ai pensĂ© Ă  ces cycles qui vont se rĂ©pĂ©tant — de lĂ  l’idĂ©e de rĂ©colte : ‘Harvest’.”
Cette lutte incessante entre espoir et effroi parcourt tout l’album et est immĂ©diatement perceptible. Le thĂšme d’ouverture “a blooming bloodfruit in a hoodie” fait rĂ©fĂ©rence Ă  la terrible affaire Trayvon Martin, lĂąchement assassinĂ©, mais il recĂšle probablement les sonoritĂ©s les plus brillantes et les grooves les plus Ă©vidents de l’album. Le batteur Marcus Gilmore nous embarque progressivement, de roulements lĂ©gers en rythmes dansants irrĂ©sistibles, tandis que le pianiste habituel du trompettiste, Sam Harris distille des phrases sereines aux harmonies Ă©tincelantes. Akinmusire trimballe du soleil dans sa trompette pendant que Kool A.D. balance ses rimes: “Nous sommes l’univers qui apprend Ă  s’aimer lui-mĂȘme, tourbillonnant dans la couleur et la lumiĂšre.” Le chaos reste cachĂ©, tapi au sein de la section rythmique qui soudain laisse la place au MC qui dĂ©verse alors son rap endiablĂ© (“Real hip-hop!”) soutenu par les sonoritĂ©s mĂ©lancoliques du Quatuor Mivos. Un bref retour Ă  une sĂ©quence Ă©voquant les jams du collectif hip hop Soulquarians engage sur une fausse piste par rapport Ă  ce qui va suivre

“Miracle and Streetfight” dĂ©bute dans une efflorescence de rythmes, le jeu de batterie de Gimore Ă©voquant Ă  la fois le solo du musicien de rue frappant sur un instrument rudimentaire et l’avant-garde la plus expĂ©rimentale par son sens du phrasĂ©. Puis le reste du groupe le rejoint et installe une boucle menaçante particuliĂšrement propice aux divagations oniriques de Kool A.D. qui insensiblement s’échauffe jusqu’à hurler : “America! Americana! America—nah! Le gros monstre !” Une forme d’apaisement intervient avec l’arrivĂ©e du saxophone tĂ©nor de Walter Smith III, qui s’installe sur un tapis de basse synthĂ©tique. Mivos un peu plus tard embarquera l’ensemble du cĂŽtĂ© d’une improvisation relevant du free-jazz le plus luxuriant, tandis que la trompette d’Akinmusire oriente le final vers le blues et la mĂ©lancolie. Bien que les Ă©motions changent aussi vite que les paysages sonores qui les sous-tendent, quelques thĂšmes Ă©mergent. “Americana / the garden waits for you to match her wildness,” par exemple est une composition fondĂ©e sur les techniques rĂ©pĂ©titives du psychanalyste Wilhelm Reich d’oĂč Ă©merge un solo de claviers hypnotique aux sonoritĂ©s de ThĂ©rĂ©mine sur un tapis de percussions ensauvagĂ©es tout en chausse-trappes rythmiques.
“Il s’agissait ici d’essayer de rĂ©duire le temps et l’espace,” explique Akinmusire, qui a choisi de travailler avec un orchestre Ă  cordes sur Origami Harvest prĂ©cisĂ©ment en raison de ses compĂ©tences en ce domaine. “Je pensais Ă  la façon dont, dans le climat politique actuel, nous n’avons plus aucun espace pour simplement s’arrĂȘter et reprendre son souffle. C’est comme si quelqu’un nous empĂȘchait dĂ©sormais d’atteindre ces zones de sĂ©rĂ©nitĂ© en nous. Le morceau change constamment juste assez pour que vous ne puissiez pas l’ignorer. Vous pouvez soit le refuser et tout Ă©teindre, soit vous y installer tranquillement. Ce que je voulais c’était contrĂŽler la façon dont en tant qu’auditeur vous sentez le temps passer.”
Akinmusire est un artiste qui Ă©volue si vite que mĂȘme son propre passĂ© peut paraitre appartenir Ă  un autre espace/temps. Pourtant tout ce qu’il crĂ©e aujourd’hui y puise ses sources. Il a grandi Ă  North Oakland dans les annĂ©es 80. Son pĂšre, originaire de Lagos, a partagĂ© avec lui son immense Ă©thique du travail ainsi qu’un trĂ©sor de vieux disques de musique nigĂ©riane. Sa mĂšre, originaire du Mississippi, Ă©coutait Funkadelic et tous les dimanches, celle qui alors Ă©tait la prĂ©fĂ©rĂ©e du jeune Ambrose : Aretha Franklin, Amazing Grace. Elle faisait en sorte de remplir l’emploi du temps de son fils afin de le prĂ©server de l’oisivetĂ© et des ennuis mais dĂšs l’ñge de 2 ans c’est la musique qui l’accapara —le jeune garçon ne pouvant s’empĂȘcher de marteler le clavier du piano de sa grand-mĂšre, on s’empressa de lui donner des cours de musique. Rapidement il se mit Ă  la batterie, Ă  la trompette, participa Ă  des stages de musique puis intĂ©gra diffĂ©rents orchestres et ateliers. Quoi que cette pĂ©riode de sa vie demeure assez difficile dans ses souvenirs, Akinmusire dĂ©clare : “J’ai grandi dans un Oakland trĂšs noir, trĂšs riche culturellement et fier de ses valeurs.” L’un de ses premiers mentors Ă©tait un ancien Black Panther.
Cet esprit demeure et l’accompagne. Il l’animait, quand jeune prodige de la trompette, il s’est retrouvĂ© embauchĂ© dans l’orchestre de Steve Coleman. C’est lui qui l’a conduit au fil des annĂ©es Ă  intĂ©grer la Manhattan School of Music, l’USC (pour sa maĂźtrise), et le Thelonious Monk Institute of Jazz, oĂč il a Ă©tudiĂ© aux cĂŽtĂ©s d’Herbie Hancock et Wayne Shorter. Il Ă©tait toujours au cƓur de sa pratique quand en 2007 il remporta successivement les concours internationaux Monk et Carmine Caruso avant d’enregistrer son premier disque en leader, l’étincelant Prelude: To Cora. Plus que jamais actif, quand de retour Ă  New York pour des collaborations avec Esperanza Spalding et Jason Moran, il signa son contrat avec Blue Note et deux LP Ă©blouissants d’invention dans la foulĂ©e. Enfin, comment ne pas en voir la trace dans sa rĂ©cente apparition sur l’album To Pimp a Butterfly de Kendrick Lamar ainsi que dans “Mae Mae,” son dernier projet live en date consacrĂ© au grand chanteur de blues des annĂ©es 30 Mattie Mae Thomas ?
Origami Harvest est le premier album qu’enregistre Akinmusire depuis qu’il est revenu s’installer dans sa ville natale dans un esprit protestataire. On peut l’entendre sans ambiguĂŻtĂ© dans “Free, White and 21,” qui Ă  sa façon s’inscrit dans une tradition instaurĂ©e par Akinmusire ces derniĂšres annĂ©es consistant Ă  lire sur une trame musicale les noms d’Afro-amĂ©ricains tuĂ©s par la police ou des membres de groupes d’auto-dĂ©fense — cf. les morceaux When the Heart Emerges Glistening paru en 2011 et The Imagined Savior Is Far Easier to Paint paru en 2014. Ici il gĂ©mit et sifflote le cantique “Blood-Stained Banner” sur fond de marche patriotique dĂ©formĂ©e. Mais son intention selon ses propres dires, “est exactement la mĂȘme, et c’est ce qui importe. Je voudrais que ce soit un peu agaçant, qu’on se dise ‘Oh, il recommence ?’ Mais prĂ©cisĂ©ment, c’est ma façon de dire : ‘Et bien ouais, c’est ce que je ressens. On est toujours confrontĂ© Ă  la mĂȘme merde, et je fais avec depuis mon tout premier album Blue Note.“
Ce morceau, dont le titre Ă©tait un slogan populaire dans l’AmĂ©rique d’avant les annĂ©es 50, est prĂ©cĂ©dĂ© par le bien plus cool “particle/spectra”—une piĂšce plus conventionnelle dans sa forme, portĂ©e par la voix du chanteur originaire d’Oklahoma City LmbrJck_T, qui a tout pour devenir un futur “classique” de la soul —et suivi par l’enfiĂ©vrĂ© “the lingering velocity of the dead's ambitions.” LĂ , les membres du Quatuor Mivos s’interrompent pour se regarder incrĂ©dules lorsque la trompette d’Akinmusire crache sa fureur et gĂ©mit. Lorsque Gilmore les rejoint c’est comme si le morceau Ă©tait animĂ© soudain d’un second souffle et d’un regain d’espoir mais le Quatuor Mivos rapidement met un terme Ă  cet Ă©lan, en entreprenant une dĂ©construction systĂ©matique en embardĂ©es caricaturales comme si le morceau essayait d’échapper Ă  sa propre forme. Tout se termine sur une derniĂšre respiration comme si nous nous trouvions dĂ©livrĂ© de toute forme de colĂšre, de douleur et finalement d’effacement. Cette conclusion d’Origami Harvest sonne avec la mĂȘme puissance que tous les mots qui l’avaient prĂ©cĂ©dĂ©e.
Il n’est pas surprenant qu’aprĂšs avoir interprĂ©tĂ© ce rĂ©pertoire live dans le cadre du festival Ecstatic, Akinmusire ait ressenti le besoin de l’enregistrer. Il demanda aux musiciens qui l’accompagnaient s’ils Ă©taient libres pour entrer en studio dĂšs le lendemain et miraculeusement ce fut le cas. Ces thĂšmes qui lui avaient pris un an Ă  Ă©crire, Ă©taient dĂ©jĂ  trop mĂ»rs d’une certaine façon. “Je rĂ©flĂ©chissais beaucoup Ă  l’équilibre entre valeurs fĂ©minines et masculines. Entre art majeur et mineur. Improvisation libre et contrĂŽle de la forme. Ghettos amĂ©ricains et richesse amĂ©ricaine,” explique Akinmusire. “A l’origine, j’avais pensĂ© relier tout ça de façon si Ă©troite que ça mettrait en Ă©vidence qu’il n’y avait pas tant d’espace que ça entre ces extrĂȘmes supposĂ©s, mais Ă  l’arrivĂ©e je ne sais pas si on arrive vraiment Ă  cette conclusion.” Il suffit de regarder autour de nous pour trouver la rĂ©ponse.






Discographie

2018 - Origami Harvest
Blue Note Records


2017 - A Rift in Decorum: Live at the Village Vanguard
Blue Note Records


2014 - The imagined savior is easier far to paint
Blue Note Records


2011 - When the Heart Emerges Glistening
Blue Note Records


2009 - Prelude 
To Cora
Fresh Sounds



     

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Origami Harvest - album trailer